Uzès et le protestantisme
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Au XVIè siècle, Uzès est une petite ville d’artisans, de marchands et d’hommes de loi. Les nombreuses foires et marchés où la foule et les idées se mêlent, les universités d’Orange et de Montpellier fréquentées par les étudiants, permettent de véhiculer les doctrines nouvelles dont celle de la Réforme.
Uzès, dans sa grande majorité, adhère à la Réforme initiée par Calvin et Luther. Cette adhésion est soutenue par les autorités civiles et religieuses de la ville, comme la famille de Crussol d’Uzès et l’évêque Jean de Saint-Gelais.
Les assemblées clandestines se multiplient aux abords de la ville, à Saint-Ferréol, à Servezannes, à Arpaillargues, ou dans les maisons des particuliers.
Des prédicants comme Guillaume Farel et Mauget les animent. La diffusion de la Réforme est rapide. Elle s’accomplit grâce à l’indulgence, parfois avec la complicité, des consuls.
En 1543, l’évêque, le duc et le viguier adhèrent secrètement à la Réforme, suivis bientôt par la bourgeoisie et le petit peuple.
En 1546, Jean de Saint-Gelais se déclare ouvertement, entraînant dans l’apostasie une bonne partie du clergé et des fidèles avec la plus grande partie du chapitre. Il sera bientôt déposé par le pape. Crussol adopte une attitude plus ambiguë ou diplomatique qui lui permet de sauver des galères plus d’un réformé.
En 1567, un temple protestant est édifié à Uzès, rue de la Monnaie.
Durant les guerres de religion, la cité devient une place-forte protestante. L’armée huguenote est dirigée par les deux frères Galliot et Jacques II de Crussol, dit « Baron d’Acier ».
En 1598, l’Édit de Nantes proclamant la liberté de culte pour les réformés ne change rien à Uzès.
Les protestants restent majoritaires et Uzès continue d’être dirigée par ceux de la « Religion prétendue réformée ».
L’assassinat de Henri IV, signataire de l’Édit de Nantes, provoque un retour et un renforcement du catholicisme.
A Uzès, les églises sont reconstruites.
Parti en guerre contre les villes qui refusent le protestantisme, le Duc de Rohan ordonne la fortification de la ville d’Uzès.
Rohan est battu par Louis XIII à Privas. Alais (Alès) tombe le 17 juin 1629. Les huguenots sont « invités » à se réfugier à Anduze. Les protestants d’Uzès capitulent et le Roi fait son entrée à Uzès par une brèche dans le mur d’enceinte, au lieu dit « Portalet ».
Date importante puisque, par la «grâce d’Alais », rédigée avec Richelieu à Uzès, s’achève l’unification du royaume. Le monarque qui avait été accueilli, selon ses propos, à Marseille comme un roi et à Aix-en-Provence comme un dieu, entrait à Uzès et dans son château en maître sévère, jaloux de son autorité et pour recevoir la soumission d’une cité rebelle. Aussi ordonne-t-il la démolition des remparts et des défenses extérieures de la ville.
L’Édit de Fontainebleau révoque l’Édit de Nantes et contraint à l’exil les protestants qui refusent de se convertir.
Depuis quelques années déjà une Église triomphaliste pratiquait une sorte de chantage à la conversion des adeptes de la « RPR » (religion prétendue réformée). L’intendant Basville terrorise le Languedoc. On se convertit alors massivement et les « N.C. » (nouveaux convertis) doivent obligatoirement assister aux offices.
Les protestants réfractaires n’ont d’autre solution que de fuir à l’étranger. Leurs biens sont réunis au « domaine du roi ». On abat les temples protestants d’Uzès. Nous connaissons la soixantaine de noms des Uzétiens qui, au risque des galères, prennent le chemin de l’exil : ce sont des bourgeois, des artisans (fabricants de chapeaux, de serges, cardeurs, pareurs) ou des commerçants dont le départ appauvrit la ville.
De grandes familles uzétiennes comme les Vergèze d’Aubussargues ou les Brueys quittent la France pour la Suisse, l’Allemagne ou la Hollande.
Malgré l’interdiction de quitter la France sous peine de galère, 200 000 protestants refusent d’abjurer et fuient vers les pays d’accueil. La plupart sont des intellectuels, des financiers ou des industriels. Les pasteurs ont 15 jours pour abjurer ou quitter le territoire. Sur 700 pasteurs, 560 partent en exil.
Après la révocation de l’Édit de Nantes, seule la religion catholique est autorisée.
A Uzès, en octobre 1685, les protestants doivent démonter leur temple pierre par pierre. Ce qu’ils feront en chantant des psaumes pour montrer leur désaccord.
Dès la fin octobre 1685, des assemblées clandestines sont signalées, mais les peines contre ceux qui y participent se durcissent : amendes, vexations, séquestres des patrimoines, accueil forcé de soldats, intimidations ou encore prises d’otages. Une conversion rétractée étant considérée comme un crime très grave, ceux qui en sont accusés sont emprisonnés (notamment dans la tour de Constance, à Aigues-Mortes), les hommes sont condamnés à mort, à la roue ou aux galères , les femmes sont tondues, et les enfants sont enlevés à leurs parents pour être envoyés dans des familles ou des collèges catholiques.
Malgré des départs massifs vers les pays d’accueil, nombreux sont ceux qui, attachés à leur foi, ne partent pas en exil dans les pays du « Refuge ». Ils se réunissant au « Désert », à l’abri des regards, dans des endroits cachés, pour célébrer le culte interdit. Ils organisent une « église de l’ombre », clandestine, pendant plus d’un siècle, en risquant la mort, les galères ou la prison à vie.
De 1685 à 1700, le petit peuple protestant est lentement passé de la résignation à la révolte, et tous ses pasteurs ayant été exécutés ou mis en fuite, ils se retrouvent sans meneurs. La place des pasteurs est alors prise par des prédicants laïcs comme Abraham Mazel, puis menée par des chefs sans grande éducation tels que Jean Cavalier, fils de boulanger, ou »Catinat », fils de cultivateur et ancien dragon.
Les camisards sont de simples paysans et artisans protestants, qui se rebellent à partir de 1702 contre les autorités en réaction aux persécutions de leur foi religieuse. Ils résistent aux exactions perpétrées par l’intendant du Languedoc et ses troupes, mais s’estiment fidèles au roi Louis XIV qu’ils pensent mal conseillé au point de se nommer eux-mêmes lous Raiòus (« les royaux », de l’occitan languedocien raïol, royal). Gens du peuple qui ne possèdent ni équipement ni armement militaire, ils portent lors de leurs combats de simples chemises, d’où leur nom de camisards (de camisa : « chemise »).
Leur parfaite connaissance du terrain et les particularités du relief des Cévennes leur permettent de résister deux ans aux troupes royales dans un combat inégal s’apparentant à une guérilla. Ils peuvent ainsi pendant un temps constituer des réserves, se cacher et soigner leurs blessés dans les grottes, nombreuses dans le bas-pays cévenol. Leur capacité à passer d’une vallée à l’autre rapidement par les petits chemins de berger (« drailles » en cévenol) leur garantit impunité et effet de surprise, en tous cas au début de la révolte.
Au Pont-de-Montvert, à la tête de soixante hommes, Abraham Mazel entre dans la ville pour délivrer les protestants prisonniers partant aux Galères. Dans la confusion, l’abbé du Chayla, archiprêtre des Cévennes, inspecteur des missions catholiques, est tué. C’est le début de la Guerre des Camisards.
La guerre durera de 1702 à 1713 avec de nombreuses exactions dans les deux camps. Sur les 7500 Camisards, 3200 ont été tués.
La guerre cessera définitivement le 17 novembre 1787 par l’Édit de Versailles, édit de tolérance, signé par Louis XVI. Il permet aux personnes non catholiques de bénéficier de l’état civil sans devoir se convertir au catholicisme. Il n’accorde aucun droit quant au culte : il précise que « la religion catholique […] jouira seule, dans notre royaume, des droits et des honneurs du culte public ». L’édit de Versailles donne aux non-catholiques de France un statut juridique et civil, incluant le droit de contracter un mariage civil sans avoir à se convertir à la religion catholique qui demeure la religion officielle du royaume de France. L’édit de Versailles ne reconnaît donc aucunement la religion protestante, mais il s’agit d’une étape importante dans la pacification des tensions du pays, en signifiant officiellement la fin des persécutions religieuses en France.
Abraham Mazel, chef des Camisards, est abattu le 14 octobre 1710 au Mas Couteau à Uzès. Une plaque commémore cet événement dans le temple d’Uzès.
La croix huguenote est un symbole protestant. Elle aurait été créée vers 1688, après la Révocation de l’Édit de Nantes, par un orfèvre nîmois. La famille Maistre aurait été la première en 1688 à en avoir réalisé en or.
Louis XIV avait interdit aux protestants tout insigne religieux. Ces derniers, en signe d’insoumission, utilisèrent pour leur croix la croix de Malte fleurdelisée. Quant à la colombe, elle représente le Saint-Esprit, expression de la relation du chrétien avec Dieu.
Ceux qui sont restés tiennent des assemblées secrètes dans des lieux isolés. On les nomme « assemblées du Désert« . Ces rassemblements sont fortement réprimés et déboucheront sur la Guerre des Camisards au début du XVIIIè siècle.
De nombreux lieux d’assemblées sont situés autour d’Uzès.
En 1791, l’ancien couvent des Cordeliers est racheté par les réformés d’Uzès pour en faire leur nouveau lieu de culte.
Depuis, les protestants d’Uzès ont ouvert leur temple à de nombreuses manifestations culturelles.